Jeudi 24 octobre – centre de colloques, salle 3.03, de 9h30 à 12h30

Co-organisatrices

Émilie Grisez (INED & CRIS, Sciences Po) & Raphaëlle Fontenaille (CéSor, EHESS)

Discutante

Juliette Galonnier (Sciences Po, CERI)

Cet atelier se situe à l’intersection de trois domaines d’études sociologiques : les religions, la socialisation et l’enfance. Comment observer, décrire et rendre compte des modalités et des effets des processus de socialisation dans des cadres religieux avant l’entrée dans
l’âge adulte ? Si l’éducation religieuse en contexte de pluralité ou de laïcité fait l’objet d’encadrements réglementaires, l’approche ethnographique permet de saisir la multiplicité des formes de socialisation dont le religieux est soit un vecteur, soit un élément plus ou moins identifiable et nécessitant des observations denses, longues, répétées pour en saisir les expressions et les nuances. Les communications proposées à cet atelier pourront aborder ces questions selon divers angles : comment les acteur·ice·s « socialisent » des enfants, mais aussi comment ces dernier·ère·s se saisissent des contenus transmis et se les approprient (ou non) ? Comment se joue la reproduction (ou la non-reproduction) des identités religieuses au sein de la famille, d’institutions sociales ou d’espaces d’éducation religieuse, au sein ou hors de la sphère scolaire (Sunday schools, scoutisme,
formations religieuses, etc.) ? Les terrains étudiés peuvent porter sur des espaces nationaux / culturels variés (Wu, 2015), qu’il s’agisse de contextes de sécularisation avancée (Jusseaume & Scholl, 2021), de pluralité religieuse (plus ou moins tendue) (Martinez-Arino & Teinturier, 2019) ou encore de norme religieuse dominante (Trigeaud, 2013). En outre, il s’agira de discerner dans les situations étudiées comment les identités religieuses s’articulent à des appartenances sociales multiples et imbriquées (classe, race, genre) (Favier et al., 2023). Le référent religieux peut être un vecteur de socialisation culturelle plus large, en particulier dans des contextes communautaires/minoritaires. Penser la formation de dispositions religieuses dans l’enfance selon un prisme intersectionnel permet en retour de désexceptionnaliser le religieux en tant que principe de construction objective et subjective des individus (Siméant-Germanos, 2009). La restitution de recherches ethnographiques et les discussions croisées qui peuvent en jaillir invitent aussi à réfléchir à des enjeux méthodologiques de plusieurs ordres. Tout d’abord, l’accès au terrain peut être rendu difficile du fait du caractère doublement sensible de l’enquête avec des enfants, d’une part, et sur le
religieux, d’autre part. Des recherches qualitatives récentes mettent en lumière la difficulté à pénétrer des univers scolaires ou extrascolaires, en lien avec la politisation des questions liées à la laïcité (Girin, 2021) et le renforcement des enjeux de protection des enquêté·e·s. Ensuite, l’adoption d’une approche ethnographique invite à questionner la posture du/de la chercheur·se sur le terrain. L’immersion en terrain
confessionnel implique de se positionner vis-à-vis du religieux sur plusieurs plans, par l’expression de points de vue et par la participation occasionnelle à des rituels. Les conditions de possibilité de ces postures dépendent à la fois de la relation de l’ethnographe au terrain, mais aussi de ses propriétés sociales et de sa propre socialisation religieuse. En outre, l’ethnographie des socialisations religieuses implique de construire un rapport avec les enfants et de choisir quel sera leur degré
d’implication dans la recherche (Côté et al., 2020). Dans tous les cas, une réflexion sur les enjeux de pouvoir liés à sa propre position dans les rapports d’âge est nécessaire (Lignier, 2008). C’est en combinant toutes ces problématiques que l’approche ethnographique peut appréhender la place et les expressions du religieux parmi des groupes d’enfants. Comment saisir à la fois des représentations, des pratiques et des croyances, a fortiori dans un contexte de pluralité religieuse ? Quelles méthodes ethnographiques peut-on adopter pour comprendre l’expérience religieuse enfantine ? Et quelle place accorder aux discours des adultes (parents, professeur·e·s, animateur·ice·s, etc.) ?

Intervenant·e·s

Margot Legal (CéSor, EHESS) : « Former des saints » : Socialisation religieuse et dispositifs pédagogiques dans des écoles catholiques hors contrat

Jean Buyssens (Triangle & Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux) : Engagement caritatif et socialisation primaire religieuse : conditions et vecteurs de la sociogenèse d’un habitus musulman à l’adolescence

Diane Sophie Girin (CERAPS, Université de Lille) : Usages du Coran dans les processus de socialisations islamiques en écoles musulmanes

Bibliographie

Côté, I., Lavoie, K., & Trottier-Cyr, R. P. (2020). La recherche centrée sur l’enfant. Défis éthiques et innovations méthodologiques. Québec, Presses de l’Université

Laval. Favier, A., Fer, Y., Galonnier, J., & Perrin-Heredia, A. (2023). Religions et classes sociales. Lyon, ENS Éditions.

Girin, D.-S. (2021), Des écoles comme les autres ? L’enseignement privé musulman de niveau élémentaire, entre recherche de distinction et quête de respectabilisation, Thèse de sociologie soutenue en novembre, EPHE, Paris.

Jusseaume, A., & Scholl, S. (2021), Les transmissions religieuses face à la
sécularisation. Histoire de l’éducation, 155, p. 9-23.

Martinez-Arino, J., & Teinturier, S. (2019). Faith-Based Schools in Contexts of Religious Diversity: An Introduction. Religion and Education, 46(2), p. 147-58.

Mauger, G. (1995). Jeunesse : l’âge des classements. Essai de définition
sociologique d’un âge de la vie. Revue des politiques sociales et familiales, 40, p. 19-36.

Siméant-Germanos, J. (2009). Socialisation catholique et biens de salut dans quatre ONG humanitaires françaises. Le Mouvement Social, 227(2), p. 101-122.

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