Jeudi 24 octobre – centre de colloques, salle 3.01, de 14h à 17h

Co-organisateurs

Martin Manoury (CENS, Nantes Université) & Paolo Renoux (CMH, EHESS)

Discutant

Daniel Bizeul (Université d’Angers, Cresspa)

La sociologie de la pauvreté constitue un champ de recherche dans lequel coexistent de nombreuses démarches et objets d’enquête : facteurs explicatifs de la pauvreté, sa gestion par les pouvoirs publics, ses effets sur l’évolution d’un groupe ou d’un individu, les processus collectifs ou individuels pour en sortir. Bien que centrales dans la vie quotidienne des pauvres, les activités de subsistance restent moins étudiées. Elles sont dites informelles, souterraines, invisibles, sont qualifiées de (para-)travail ou d’expédients et ont en commun d’être peu dicibles, à la frontière de la légalité, et sont souvent marquées du sceau de la honte. La démarche ethnographique et l’immersion qu’elle suppose sont donc particulièrement adaptées pour comprendre l’engagement des pauvres dans ces activités. Au-delà du défi premier de la description située de ces pratiques et de leur champ d’expérience, plusieurs enjeux analytiques peuvent être identifiés. En premier lieu se pose la question de l’accès aux personnes et de la méthode la plus adaptée pour rendre compte de ce qu’ils font. La rencontre se fait généralement par les guichets institutionnels et associatifs, mais d’autres lieux peuvent être recensés. Quelles sont les implications de ces entrées différenciées sur le terrain ? Quels dispositifs d’enquête mobiliser, adapter, voire inventer pour rendre compte de la centralité de ces activités ? Face à une situation de pauvreté, temporaire ou pérenne, les personnes ne s’engagent pas dans les mêmes pratiques de subsistance. Comment comprendre ces engagements dans une activité plutôt qu’une autre ? Comment réinscrire ces pratiques dans une biographie personnelle
ou des histoires collectives qui rendent compte de dimensions macrosociologiques ou historiques ? Un autre défi pour l’ethnographie
est de réussir à restituer finement l’articulation de la débrouille avec les revenus issus de l’assistance ou du travail légal. De quelles manières se complètent-elles pour former un « portefeuille de subsistance » (Hopper et al, 1985) ? Comment les ressources non monétaires tirées de ces pratiques, si elles ne viennent alimenter le capital économique, soutiennent-elles des réseaux d’interconnaissance basés sur des logiques de réciprocité et de respectabilité ? Comment s’adossent-elles à des réseaux économiques de relations et d’échanges (Laé & Murard, 1985) ? Cibles régulières des politiques publiques (des ministères jusqu’aux street-level bureaucrat), ces activités sont régulées, voire réprimées. Quels sont les formes et les processus sous-jacents de cette gestion politique d’une « économie invisible » (Cottereau & Marzok, 2012) ? Que se passe-t-il en cas de conflits d’occupations ou de coopération spatiale, de coprésence de ces activités avec d’autres, plus
institutionnalisées (Proth & Joseph, 2005 ; Milliot, 2015) ? Cet atelier
invite ainsi à une réflexion sur les différentes tactiques permettant de
tisser d’autres formes de protections que celles permises par les institutions.

Intervenant·e·s

Julie Lavayssière (LAVUE, Université Paris 8) : Le recours aux squats des personnes immigrées : observer les tactiques résidentielles et les économies invisibles

Benjamin Naintré (Migrinter, Université de Poitiers) : Economie des platz, économie de l’insertion : une jeunesse rom au travail

Meghane Adam (LECORES, Université Clermond Auvergne) : Des femmes en situation de vulnérabilité qui bâtissent, aménagent et réparent leurs logements. Décrire et représenter la « débrouille » domestique par le genre

Bibliographie

Cottereau A., & Marzok, M. (2012), Une famille andalouse. Ethnocomptabilité d’une économie invisible, Paris, Éditions
Bouchène.

Hopper, K., Susser, E. & Conover, S. (1985). Economies of Makeshift :
Deindustrialization and Homelessness in New York City. Urban Anthropology and Studies of Cultural Systems and World Economic Development, 14(1-3), p. 183-236.

Laé, J.-F., & Murard, N. (1985). L’Argent des pauvres. La vie quotidienne en cité de transit. Paris, Seuil.

Milliot, V. (2015). Remettre de l’ordre dans la rue. Politiques de l’espace public à la Goutte‐d’Or (Paris). Ethnologie française, 45, p. 431-443.

Proth, B., & Joseph, I. (2005). La « mise en demeure » d’un aéroport parisien par trois SDF irréductibles. L’Homme & la Société, 155(1), p. 157-180.

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