Jeudi 24 octobre – centre de colloques, salle 3.02, de 14h à 17h

Co-organisateur·ice·s

Pierre Nocérino (LIER, EHESS) & Maëlys Tirehote-Corbin
(LACCUS, Université de Lausanne)

Discutant·e

(à confirmer)

Présent dès les débuts de l’ethnographie mais longtemps mis de côté au profit d’autres méthodes visuelles, le dessin fait l’objet d’une attention renouvelée depuis une dizaine d’années. En parallèle d’une vulgarisation graphique croissante (avec notamment le développement de la BD dite « du réel »), de nombreux·ses ethnographes mobilisent le dessin dans leurs
travaux académiques. Seul·es ou en collaboration avec des artistes, ces chercheurs et chercheuses s’essayent ainsi au croquis (Causey, 2016) ou à la bande dessinée (Kuttner et al, 2021 ; Berthaut et al, 2023), que ce soit lors du recueil, de l’analyse ou de la restitution des matériaux. Cet intérêt renouvelé des ethnographes pour le dessin interroge à plusieurs titres. Il est possible d’identifier deux axes de réflexion, interdépendants par bien des aspects mais qu’il est possible de distinguer à des fins d’analyse :

Ce que le dessin fait à l’ethnographie : partant du constat que les sciences s’apparentent à une profession où les pratiques d’écriture sont centrales (Latour, 1993), il convient de se demander ce que le dessin change au travail de recherche : en quoi le dessin permet-il – ou non – de mieux honorer les critères d’évaluation de l’ethnographie (Katz, 2010) ? Ce sera aussi l’occasion en retour de s’interroger sur la prépondérance de la méthode ethnographique parmi les sciences sociales qui utilisent
le dessin (cf. parmi d’autres les collections « Sociorama » aux éditions Casterman, « ethnoGRAPHIC » aux University of Toronto Press) : faut-il y voir les effets des évolutions des sciences sociales, d’une spécificité de la méthode elle-même, ou encore de la manière dont l’ethnographie amène à construire l’objet de la recherche ?

Ce que l’ethnographie fait des dessins : pour éclairer l’éventuelle spécificité de l’usage du dessin par les ethnographes, il est intéressant d’enquêter sur les autres activités professionnelles qui le mobilisent. De tels travaux conduisent à des réflexions méthodologiques : comment parvenir à restituer l’acte de création ? Mais cela revient aussi, et surtout, à s’interroger sur les contraintes spécifiques de ces différents métiers, qu’ils soient considérés comme artistiques (presse, BD…) ou non (ingénierie, dessin industriel…), qu’ils soient le lieu d’une division du travail forte (animation, story-board pour le cinéma…) ou faible (architecture, illustration…), etc. La discussion croisée de ces pratiques professionnelles intégrant le dessin permettra dès lors de s’interroger sur les modalités d’une collaboration « réussie » entre ces milieux. Si le brouillage des frontières entre arts et sciences peut être source de tensions (Grimshaw & Ravetz, 2015), la raison doit-elle en être imputée au désajustement entre attentes différentes des professionnel·les ou plutôt à l’expression de tensions propres à chacun de ces milieux (précarité, concurrence, manque d’autonomie, etc.) ?

Intervenant·e·s

Peter Castro (IHEAL, Sorbonne Nouvelle) : Exploration de la bande dessinée comme outil de recherche : analyse de deux études de cas

Léa Bernard (LESC-EREA, Université Paris Nanterre) & Romain Denimal Labeguerie (LAS, EHESS) : Li xseeraq’ Se’tul (« L’histoire de Se’tul »). Réflexions autour de l’élaboration collective d’un livre illustré en langue maya-q’eqchi’ à partir d’une ethnographie en binôme au Guatemala.

Antoine Jeanne (Centre de recherche de l’École du Louvre, Université Paris Cité) : Pour une anthropologie photographiste : Observation
photographiante et écriture argentique en ethnographie

Bibliographie

Berthaut, J., Bidet, J. & Thura, M. (2023). Mettre la sociologie en cases.
Retours sur l’expérience de la collection Sociorama. Socio-logos [En ligne], 18.

Causey, A. (2016). Drawn to See: Drawing as an Ethnographic Method. Toronto, University of Toronto Press.

Grimshaw, A., & Ravetz, A. (2015). The Ethnographic Turn – and After: A Critical Approach Towards the Realignment of Art and Anthropology. Social Anthropology, 23, p. 418-434.

Katz, J. (2010). Du comment au pourquoi. Description lumineuse et inférence causale en ethnographie. In D. Cefaï, L’Engagement ethnographique, Paris, Éditions de l’ehess, p. 40-105.

Kuttner P. J., Weaver-Hightower, M., & Sousanis, N. (2021). Comics-Based Research : The Affordances of Comics for Research Across Disciplines. Qualitative Research, 21(2), p. 195-214.

Latour, B. (1993). Le « topofil » de Boa Vista. In B. Conein, N. Dodier, & L.
Thévenot, Les objets dans l’action. De la maison au laboratoire, Paris, Éditions de l’ehess, p. 187-216.

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