Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.01, de 14h à 17h

Co-organisateur·ice·s

Inés Calvo Valenzuela (CERI, Sciences Po) & Martín Cavero Castillo (IRIS, EHESS)

Discutante

Judith Audin (CNRS, PRODIG)

Les études en sciences sociales sur les pratiques de production relevant de l’extractivisme n’ont cessé d’augmenter dans les dernières décennies, qu’elles soient produites par des géographes, économistes, politologues, sociologues ou anthropologues. Face à cette vaste littérature, nous croyons pertinent de discuter ce que l’enquête ethnographique peut apporter de singulier à notre connaissance des terrains extractifs, qu’ils soient miniers, pétroliers, gaziers, constitués par les implantations de dispositifs d’énergie durable, ou bien relevant de l’agriculture irriguée extensive ou de l’exploitation des ressources forestières. Face à d’autres méthodes d’enquête, l’ethnographie porte une force descriptive particulière. Dans le contexte étudié, l’ethnographie permet d’accéder aux voix et aux vies des personnes spoliées de leur terre, contaminées par les pollutions. Cette méthode permet tout autant d’accéder aux différentes catégories de travailleurs, à leurs conditions de travail et de vie domestique, aux usages de leurs rémunérations. Quel peut être l’éventail de diversité des descriptions recueillies de la part d’acteurs multiples et inégaux, dont les formes de vie, perspectives et intérêts présentent des géométries variables ? Outre l’étendue des dégâts causés
par l’extractivisme, qu’en est-il de la possibilité de rendre compte autant des malheurs que des espoirs d’amélioration du niveau de vie éprouvés par les enquêtés, sans complaire au discours des opérateurs dominants ? Quel est le poids de travaux ethnographiques face aux immenses intérêts en jeu ? L’ethnographie se révèle ainsi vulnérable sous de multiples aspects face à des terrains extractifs, lorsqu’une compagnie extractive tente de limiter ce que peut observer ou écouter l’ethnographe, en exerçant un contrôle sur ce que ses employés ou les acteurs locaux lui confient, mais aussi lorsque des groupes locaux en opposition, qu’ils soient pour ou contre l’activité extractive, tentent de se servir des ethnographes en attendant d’eux qu’ils ou elles se fassent les porte-voix d’une unique perception de la réalité ou ne se limitent qu’aux informations mises à disposition par un ensemble d’interlocuteurs privilégiés. Afin de gagner plus de rigueur analytique sur ce type de terrains, un effort de réflexivité ethnographique s’avère nécessaire, exposant les conditions sociales et politiques de l’enquête. C’est pourquoi nous invitons les participants à considérer les questions suivantes : Quelles sont les spécificités des obstacles ou facilités que l’ethnographe rencontre sur le terrain empêchant ou favorisant la production de données ?

De quelle façon se manifestent au cours d’une enquête en terrain extractif des biais de méthode, tels que l’encliquage (Olivier De Sardan, 1995), l’instrumentalisation de l’ethnographe de la part de ses enquêtés ou encore son assignation à une identité dangereuse, comme celle d’espion ou d’activiste ? Quelles stratégies méthodologiques et analytiques sont mises en œuvre pour répondre efficacement à ces pièges autant sur le terrain que lors des restitutions de l’enquête ? Enfin, quelle est la force et la vulnérabilité de l’ethnographie lorsqu’il s’agit de mettre en lumière les réalités souvent violentes des terrains extractifs ? Cet atelier est une invitation à contribuer à la réflexion sur la manière dont l’ethnographie peut particulièrement enrichir notre connaissance sur les sites d’extraction, et ce, en développant un effort d’inquiétude et de réflexivité ethnographiques (Fassin, 2008 ; Weber, 2012 ; Morrissette et al., 2014), encore rare dans le champ de l’anthropologie de l’extractivisme – on peut nommer comme exceptions les textes de Lee (2017), de Buu-Sao (2019), de Bainton et Skrzypek (2022) et l’ensemble d’articles qui composent le dossier « Terrains miniers, Terrains minés » dans la revue Politika.

Intervenant·e·s

Marguerite Maclouf (CMH, EHESS) : Porter la Vierge pour entrer dans les serres, ethnographier un terrain extractif par ses contours

Cédric Audoan (LASC, Université de Liège) : Entre aire protégée et concession : retour réflexif sur une ethnographie engagée chez des Kasua, en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Violeta Ramirez (ESE, Université Paris Saclay) : Ethnographie à l’heure de la relance minière en France : enquêter et se positionner en terrain clivé

Bibliographie

Bainton, N. & Skrzypek, E. (2022). Positionality and Ethics. In L. D’Angelo et R. J. Pijpers, The Anthropology of Resource Extraction. New York, Routledge, p. 131-148.

Buu-Sao, D. (2019). Prendre le parti de l’enquête : positionnements ethnographiques en terrain conflictuel. Genèses, 115, p. 123-137.

Fassin, D. (2008). L’inquiétude ethnographique. In D. Fassin & A. Bensa, Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques. Paris, La Découverte, p. 7-15.

Lee, C. K. (2017). Appendix. An Ethnographer’s Odyssey: The Mundane and the Sublime of Researching China in Zambia. In C. K. Lee, The Specter of Global China. Politics, Labor, and Foreign Investment in Africa. Chicago, London, The University of Chicago Press, p. 167-186.

Morrissette, J., Demazière, D. & Pepin M. (2014). Introduction. Vigilance ethnographique et réflexion méthodologique. Recherches qualitatives, 33(1), p. 10-11.

Olivier de Sardan, J.-P. (1995). La politique du terrain, sur la production des données en anthropologie. Enquête, 1, p. 71-109.

Weber, F. (2012). De l’ethnologie de la France à l’ethnographie réflexive. Genèses, 4(89), p. 44-60.

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