Vendredi 25 octobre

Centre des colloques, auditorium 150 à 18h

Projection du film documentaire en présence de son réalisateur Boris Svartzman, suivie d’une discussion

Guanzhou : une nouvelle ère

Les deux mille villageois de Guanzhou, une île fluviale à proximité de Canton, sont chassés en 2008 par les autorités locales pour construire un prétendu “Parc écologique”. Malgré la destruction de leurs maisons et la pression policière, une poignée d’habitants retourne vivre sur l’île. Pendant sept ans, Boris Svartzman filme leur lutte pour sauver leurs terres ancestrales, entre les ruines du village où la nature reprend petit à petit ses droits et les chantiers de la mégapole qui avance vers eux, inexorablement.

Documentaire / France / 2019 / 71 min

Prix et récompenses

FESTIVAL JEAN ROUCH – Prix du Patrimoine Culturel Immatériel – France, 2019

IMAGES EN BIBLIOTHÈQUES – Sélection du Catalogue CNC, Images de la culture – France, 2019

TRACES DE VIES – Prix du Premier Film Professionnel – France, 2019 ETHNOCINECA – Excellence in Visual Anthropology Award – Autriche, 2020

ETOILE DE LA SCAM – France, 2020

MICE, Mostra Internacional de Cinema Etnográfico – Prix AGANTRO – Espagne, 2020

BAHIA INDEPENDENT CINEMA FESTIVAL – Meilleur long-métrage documentaire – Brésil, 2020

ANOTHER WAY FILM FESTIVAL – Prix du Jury – Espagne, 2020

FESTIVAL INTERFÉRENCES – Prix du Jury – France, 2020

EL OJO COJO – Prix du meilleur documentaire – Espagne, 2020

CINEMA URBANA – Prix de la photographie et du témoignage – Brésil, 2021

LE GRAND BIVOUAC – Mention Spéciale Premiers Regards – France, 2021

Jeudi 24 octobre

Centre des colloques, auditorium 150 à 18h

Philippe Gonzalez (UNIL)

Quel engagement ethnographique pour quelle portée critique ? Retour sur vingt ans en terrain évangélique

Comment envisager le continuum allant de l’engagement sur le terrain jusqu’à la restitution de l’enquête ? Que se passe-t-il lors des opérations de réception du regard critique de l’ethnographe par les enquêté·es ? Dans quelle mesure la démarche d’enquête par participation, observation et description de l’ethnographe stimule-t-elle une réflexion critique chez les enquêté·es, leur permettant ainsi de réimaginer et réorganiser leur situation afin de s’engager dans un processus de reconstruction (selon la perspective de Dewey) ?

Au fil des années, cette réflexion a conduit l’auteur à examiner les différentes modalités du récit ethnographique, non seulement comme un texte sujet à une analyse sémiotique ou rhétorique, mais aussi comme une activité pratique et située qui a des conséquences. Le récit ethnographique est indissociable de la dynamique énonciative qu’il établit avec les lecteur·trices, en particulier lorsque celles-ci et ceux-ci sont parties prenantes du terrain que j’explore en tant qu’ethnographe. Évidemment, la forme que prend ce récit est étroitement liée à la manière de s’engager sur le terrain.

Ces réflexions, qui peuvent paraître abstraites, seront développées à partir de ses recherches dans le contexte du protestantisme évangélique. Philippe Gonzalez tente de comprendre le rapport à l’expérience religieuse de ces chrétiens, la structuration de leurs communautés et de leurs réseaux, afin de saisir leurs tentatives pour se rendre présents dans nos sociétés pluralistes et libérales. Un point sensible de cet examen concerne l’articulation du plan religieux et du plan politique. Pour cela, il se penchera sur trois moments spécifiques : sa thèse de doctorat (2009), une monographie (2014) et une série documentaire produite pour une chaîne européenne (2023). Chaque étape de recherche l’a conduit à privilégier une approche et une position énonciative distinctes, de la description détaillée de prédications énoncées dans un cadre ecclésial ou de témoignages postés sur le web dans une visée évangélisatrice, jusqu’à retracer, dans une perspective sociohistorique arrimée à l’ethnographie, la circulation transnationale d’idées, d’acteurs et de pratiques à l’horizon de « guerres culturelles », dans la perspective d’investir l’espace public ou l’arène politique, mais aussi les critiques internes formulées par des évangéliques qui tentent de proposer une présence pluraliste à la société. Chacune de ces approches a influencé la manière dont ses descriptions et critiques ont été reçues par des interlocuteurs évangéliques.

Quelques publications de l’auteur :

Gonzalez P., « Dénoncer le « nationalisme chrétien » », Multitudes, 2024/2 (n° 95), p. 79-85. L’article en ligne

Gonzalez P., Stavo-Debauge J., Roca i Escoda M., « S’aventurer en ethnographes dans les arcanes d’une « base de données » ». ethnographiques.org, Numéro 39 – juin 2020
Incidents heuristiques L’article en ligne

Kaufmann L., Gonzalez P., « ‪Mettre en valeur(s) le monde social‪ », Questions de communication, 2017/2 (n° 32), p. 167-194. L’article en ligne

Gonzalez P., Que ton règne vienne. Des évangéliques tentés par le pouvoir absolu, Genève, Labor et Fides, coll. « Protestantisme », 2014, 472 p.

Gonzalez P., Kaufmann L., « The social scientist, the public, and the pragmatist gaze. Exploring the critical conditions of sociological inquiry ». European Journal of Pragmatism and American Philosophy 4(1), pp. 55-83, 06-2012. L’article en ligne.

Monnot C., Gonzalez P., « Témoigner avant et après la guérison. Ce que le témoignage fait à la communauté ». Ethnologies 33(1), pp. 95-116, 2011.
L’article en ligne.

Gonzalez P., Malbois F., « L’ethnographie institutionnelle de Dorothy E. Smith ou le tranchant critique d’une sociologie pragmatique ». EspacesTemps.net, 2013.
L’article en ligne.

Gonzalez P., « Dire le surnaturel. Pour une sociologie globale du fait religieux ». Carnets de bord 3, pp. 40-52, 2002.

La 6ème Biennale d’Ethnographie de l’EHESS reçoit le soutien du programme FIELDDS (Formation interdisciplinaire aux enquêtes de longue durée sur les dynamiques sociales), de la Direction au développement de la recherche et de l’École doctorale de l’EHESS, du Campus Condorcet ainsi que de plusieurs centres de recherche :

• le Centre d’étude des Mouvements Sociaux (CEMS)
• le Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques (CREDA)
• le Centre Nantais de Sociologie (CENS)
• le Centre Maurice Halbwachs (CMH)
• le Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités – Fonds Yan Thomas (LIER-FYT)
• l’Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les Enjeux Sociaux (IRIS)
• le Centre d’Etudes Nord-Américaines (CENA)
• Mondes Américains
• le Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (Cetobac)
• le Centre de Recherche Nantais Architectures Urbanités (CRENAU)

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.03, de 14h à 17h

Co-organisateur·ice·s

Léo Maillet (CETOBaC, EHESS & ESTAS, UNIGE) & Monique Matni (CeRCLEs, EHESS)

Discutante

Valeria Siniscalchi (EHESS, CeRCLEs)

Cet atelier vise à réfléchir aux particularités de l’enquête ethnographique liée au fait alimentaire et à la subsistance. La référence au concept de « monde social » (Cefaï, 2015) a pour but d’aborder cette thématique en mettant l’accent non seulement sur les dimensions sociales, mais aussi sur les dimensions politiques qui caractérisent les expériences et les discours liés à l’alimentation. En plus de nous intéresser à la question de « la politique dans l’assiette » (Siniscalchi, 2014), il nous semble que la proposition d’Arjun Appadurai (1986, p. 3‐63) d’enquêter sur « la vie sociale des choses » est particulièrement utile, notamment du point de vue de l’identification des lieux de l’enquête sur le fait alimentaire et des différents mondes sociaux qu’ils abritent. L’approche que nous souhaitons développer au sein de cet atelier interroge ainsi la manière dont l’enquête ethnographique se déploie dans différents types d’espaces : de production, de circulation et de consommation, sans pour autant supposer leur cloisonnement. Adossés à ces trois différents espaces, nous proposons les trois axes de questionnement suivants :

Nous serons particulièrement attentifs aux propositions abordant l’ethnographie des liens entre alimentation et circulation des personnes. Quelles sont les spécificités des enquêtes ethnographiques sur le fait alimentaire en situation de mobilité, de migration et d’exil ? Que peut nous montrer l’ethnographie sur la « relation révélatrice » (Barou, 2010) entre alimentation et migration ? Comment s’y prend-on pour ethnographier les moments de commensalité « en mouvement » (on the move) ? Enfin, qu’est-ce que l’enquête ethnographique permet de révéler sur la place qu’occupe l’alimentation dans les « problématiques diasporiques » (Trémon, 2012) ? La question des dimensions politiques inhérentes aux choix et aux pratiques liées à la subsistance (Pruvost, 2021) nous semble aussi particulièrement propice à l’approche ethnographique. Ainsi, quelles sont les implications méthodologiques et éthiques d’une ethnographie des modes de subsistance ? Qu’en est-il des approches ethnographiques des modes d’approvisionnement de franges les plus démunies de la population et des situations de précarité alimentaire ? Quel est l’impact des dynamiques de genre dans l’ethnographie des pratiques de lutte pour l’autonomie alimentaire ? En quoi les approches écoféministes de l’alimentation (Pruvost, 2021b ; 2021a) transforment la manière de conduire une enquête ethnographique sur le fait alimentaire ?

Cet atelier vise également à inclure des travaux ethnographiques qui s’intéressent aux espaces informels et/ou marqués par « l’extralégalité », comprise comme la conjonction de trois domaines : « l’illégal, l’informel et le pas encore (il)légal, ce dernier impliquant des questions qui n’ont pas encore été tranchées par un système juridique » (Smart & Zerilli, 2014) C’est le cas de la vente à la sauvette de repas ou de produits alimentaires dans les rues, activité souvent non règlementée. Quand l’informel devient la pratique et l’illégal presque la règle, comment se positionner en tant que chercheur·se face à de tels contextes ? Dans le champ de ces interrogations, nous invitons les participant·e·s
à réfléchir à la manière dont leur positionnalité influe sur la tenue de leur travail de recherche. Seront donc privilégiées les propositions engageant une réflexion sur les enjeux méthodologiques et éthiques de la tenue d’une enquête ethnographique sur le fait alimentaire.

Intervenant·e·s

Jean Autard (CeRCLEs, EHESS) : Ce que mangent les néopaysans : rapport à l’alimentation, valeurs et économie dans les Alpes du Sud

Sabine Meïer (CERTOP Santal, Université Toulouse Jean Jaurès, ICM) : Une ethnographie en cuisine. Éprouver par le corps les relations asymétriques dans une association pour la cause des migrant.es

Solène Poyraz (CETOBaC, EHESS & IFEA) : Étudier la vie sociale du pain dans l’accueil de la population syrienne en Turquie : discours et pratiques

Bibliographie

Appadurai, A. (1986). The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective. Cambridge, Cambridge University Press.

Barou, J. (2010). Alimentation et migration : une relation révélatrice. Hommes & migrations, 1283, p. 6‐11.

Cefaï, D. (2015). Mondes sociaux. Enquête sur un héritage de l’écologie humaine à Chicago. SociologieS [en ligne].

Pruvost, G. (2021a). Quotidien politique : féminisme, écologie et subsistance. Paris, La Découverte.

Pruvost, G. (2021b). Subsistance. In J. Rennes, Encyclopédie critique du genre. Paris, La Découverte, p. 727‐737.

Siniscalchi, V. (2014). La politique dans l’assiette : Restaurants et restaurateurs dans le mouvement Slow Food en Italie. Ethnologie française, 44(1), p. 73‐83.

Smart, A., & Zerilli, F. M. (2014). Extralegality. In D. M. Nonini, A Companion to Urban Anthropology. Oxford, Wiley-Blackwell.

Trémon, A.-C. (2012). Diasporicité et problématique diasporique : réflexions à partir du cas chinois. Tracés, 23, p. 131‐150.

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.02, de 14h à 17h

Co-organisatrices

Noemi Casati (LIER-FYT, EHESS) & Iris Padiou (Pléiade, Université Sorbonne Paris Nord)

Discutant

Victor Corona (CNRS, ICAR)

Les propos racistes et les catégories ethno-raciales ont souvent été abordés à partir de corpus composés de textes écrits ou d’entretiens. Cet atelier propose, pour sa part, de mettre en lumière l’intérêt de l’approche ethnographique dans l’étude de cet objet. La catégorie de « race » – tout comme celle d’« ethnie » – a fait l’objet de nombreux débats au sein des sciences humaines et sociales (Devriendt et al, 2018). Mais plusieurs travaux montrent qu’elle peut aussi faire l’objet de questionnements de la part des locuteurs non spécialistes (Morning & Maneri, 2021). De même, la catégorie « raciste » peut faire l’objet de négociations profanes quant à son contenu et à sa pertinence en situation (Mazzega, 2013). Cet atelier part de ce double constat : d’une part, les mots (de la) « race » et (du) « racisme » sont polysémiques pour les acteurs ; de l’autre, ceux-ci font preuve d’une réflexivité langagière dans leurs usages de ces catégories. L’atelier invite donc à réfléchir aux questions de « race » et de « racisme » en prenant ces termes non pas comme des catégories d’analyse, dont le sens et l’applicabilité en situation sont définis par les chercheurs, mais comme des « catégories de pratique » (Brubaker, 2001), dont les acteurs peuvent se saisir de différentes façons dans leurs interactions. L’enquête ethnographique est alors envisagée comme la méthode la plus à même de saisir comment les personnes (re)produisent, transforment, questionnent et critiquent le sens et l’usage de ces catégories. En posant la question de la race et du racisme du point de vue des locuteurs, cet atelier invite à « suivre les acteurs » (Lemieux, 2018) dans leurs pratiques de catégorisation (Whitehead, 2012 ; 2019). Les pratiques langagières étudiées ne se limitent pas à celles où les catégories raciales sont explicitement mobilisées. En effet, les catégories
ethniques, culturelles, nationales, spatiales ou encore religieuses peuvent être racialisées et sont, dès lors, à prendre en compte. De même, les catégorisations mêlant différentes propriétés sociales (« jeune homme noir », « vieux bourgeois blanc », « welfare queens ») sont intégrées à l’objet d’étude. Le fait de suivre les processus de catégorisation au plus près de leur matérialité langagière permet, en outre, d’aborder les euphémismes, les bafouillages et les contournements qui permettent de ne pas dire la race. Enfin, il ne s’agit pas de limiter l’analyse aux seules pratiques d’essentialisation ou de hiérarchisation, mais de réfléchir à tout type de catégorisation : assignation, revendication, description. L’atelier vise à saisir la diversité des usages et des pratiques de catégorisation ethno-raciale, notamment en variant les espaces et les situations ethnographiques, des interactions ordinaires aux milieux militants ou institutionnels. Les approches qui rendent compte du caractère dialogique et socialement situé de ces pratiques de catégorisation sont particulièrement encouragées.

Intervenant·e·s

Martin Frager (LEGS, Paris 8 & LAMC, Université Libre de Bruxelles) : Sans la nommer ? Dynamiques d’euphémisation et d’explicitation de la « blanchité » dans l’espace du militantisme antiraciste

Stéphanie Brunot (Ceped, Université Paris Cité, ICM) : Usted no es garifuna ! Assignation, revendication et négation de l’appartenance identitaire afrodescendante en Amérique Centrale

Salomé Bouché-Frati (Centre Pierre Naville, Université d’Évry Paris-Saclay) : « Ceux qui ont des locks, préparez vos lettres de démission ! ». Ethnographier les règles de la « race » dans un dispositif d’insertion

Bibliographie

Brubaker, R. (2001). Au-delà de l’« identité ». Actes de la recherche en sciences sociales, 139(1), p. 66–85.

Devriendt, É., Monte, M., & Sandré, M. (2018). Analyse du discours et catégories « raciales » : problèmes, enjeux, perspectives. Mots. Les langages du politique, 116, p. 9–37.

Lemieux, C. (2018). La sociologie pragmatique. Paris, La Découverte.

Mazzega, M. (2013). Antiracisme ordinaire et (re)catégorisations sociales dans les commentaires d’internautes. Recherches en sciences sociales sur Internet/Social Science Research on the Internet [En ligne], 1, p. 118–146.

Morning, A. J., & Maneri, M., (2021). An Ugly Word: Rethinking Race in Italy and the United States. New York, Russell Sage Foundation.

Whitehead, K. A. (2019). Using Ethno-methodology and Conversation Analysis to Study Social Categories: The Case of Racial Categories in South African Radio Talk. In S. Laher, A. Fynn, & S. Kramer, Transforming Research Methods in the Social Sciences: Case Studies from South Africa. Johannesburg, Wits University Press, p. 251–264.

Whitehead, K. A. (2012). Racial Categories as Resources and Constraints in Everyday Interactions: Implications for Racialism and Non-Racialism in Post-Apartheid South Africa. Ethnic and Racial Studies 35, p. 1248–1265.

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.01, de 14h à 17h

Co-organisateur·ice·s

Inés Calvo Valenzuela (CERI, Sciences Po) & Martín Cavero Castillo (IRIS, EHESS)

Discutante

Judith Audin (CNRS, PRODIG)

Les études en sciences sociales sur les pratiques de production relevant de l’extractivisme n’ont cessé d’augmenter dans les dernières décennies, qu’elles soient produites par des géographes, économistes, politologues, sociologues ou anthropologues. Face à cette vaste littérature, nous croyons pertinent de discuter ce que l’enquête ethnographique peut apporter de singulier à notre connaissance des terrains extractifs, qu’ils soient miniers, pétroliers, gaziers, constitués par les implantations de dispositifs d’énergie durable, ou bien relevant de l’agriculture irriguée extensive ou de l’exploitation des ressources forestières. Face à d’autres méthodes d’enquête, l’ethnographie porte une force descriptive particulière. Dans le contexte étudié, l’ethnographie permet d’accéder aux voix et aux vies des personnes spoliées de leur terre, contaminées par les pollutions. Cette méthode permet tout autant d’accéder aux différentes catégories de travailleurs, à leurs conditions de travail et de vie domestique, aux usages de leurs rémunérations. Quel peut être l’éventail de diversité des descriptions recueillies de la part d’acteurs multiples et inégaux, dont les formes de vie, perspectives et intérêts présentent des géométries variables ? Outre l’étendue des dégâts causés
par l’extractivisme, qu’en est-il de la possibilité de rendre compte autant des malheurs que des espoirs d’amélioration du niveau de vie éprouvés par les enquêtés, sans complaire au discours des opérateurs dominants ? Quel est le poids de travaux ethnographiques face aux immenses intérêts en jeu ? L’ethnographie se révèle ainsi vulnérable sous de multiples aspects face à des terrains extractifs, lorsqu’une compagnie extractive tente de limiter ce que peut observer ou écouter l’ethnographe, en exerçant un contrôle sur ce que ses employés ou les acteurs locaux lui confient, mais aussi lorsque des groupes locaux en opposition, qu’ils soient pour ou contre l’activité extractive, tentent de se servir des ethnographes en attendant d’eux qu’ils ou elles se fassent les porte-voix d’une unique perception de la réalité ou ne se limitent qu’aux informations mises à disposition par un ensemble d’interlocuteurs privilégiés. Afin de gagner plus de rigueur analytique sur ce type de terrains, un effort de réflexivité ethnographique s’avère nécessaire, exposant les conditions sociales et politiques de l’enquête. C’est pourquoi nous invitons les participants à considérer les questions suivantes : Quelles sont les spécificités des obstacles ou facilités que l’ethnographe rencontre sur le terrain empêchant ou favorisant la production de données ?

De quelle façon se manifestent au cours d’une enquête en terrain extractif des biais de méthode, tels que l’encliquage (Olivier De Sardan, 1995), l’instrumentalisation de l’ethnographe de la part de ses enquêtés ou encore son assignation à une identité dangereuse, comme celle d’espion ou d’activiste ? Quelles stratégies méthodologiques et analytiques sont mises en œuvre pour répondre efficacement à ces pièges autant sur le terrain que lors des restitutions de l’enquête ? Enfin, quelle est la force et la vulnérabilité de l’ethnographie lorsqu’il s’agit de mettre en lumière les réalités souvent violentes des terrains extractifs ? Cet atelier est une invitation à contribuer à la réflexion sur la manière dont l’ethnographie peut particulièrement enrichir notre connaissance sur les sites d’extraction, et ce, en développant un effort d’inquiétude et de réflexivité ethnographiques (Fassin, 2008 ; Weber, 2012 ; Morrissette et al., 2014), encore rare dans le champ de l’anthropologie de l’extractivisme – on peut nommer comme exceptions les textes de Lee (2017), de Buu-Sao (2019), de Bainton et Skrzypek (2022) et l’ensemble d’articles qui composent le dossier « Terrains miniers, Terrains minés » dans la revue Politika.

Intervenant·e·s

Marguerite Maclouf (CMH, EHESS) : Porter la Vierge pour entrer dans les serres, ethnographier un terrain extractif par ses contours

Cédric Audoan (LASC, Université de Liège) : Entre aire protégée et concession : retour réflexif sur une ethnographie engagée chez des Kasua, en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Violeta Ramirez (ESE, Université Paris Saclay) : Ethnographie à l’heure de la relance minière en France : enquêter et se positionner en terrain clivé

Bibliographie

Bainton, N. & Skrzypek, E. (2022). Positionality and Ethics. In L. D’Angelo et R. J. Pijpers, The Anthropology of Resource Extraction. New York, Routledge, p. 131-148.

Buu-Sao, D. (2019). Prendre le parti de l’enquête : positionnements ethnographiques en terrain conflictuel. Genèses, 115, p. 123-137.

Fassin, D. (2008). L’inquiétude ethnographique. In D. Fassin & A. Bensa, Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques. Paris, La Découverte, p. 7-15.

Lee, C. K. (2017). Appendix. An Ethnographer’s Odyssey: The Mundane and the Sublime of Researching China in Zambia. In C. K. Lee, The Specter of Global China. Politics, Labor, and Foreign Investment in Africa. Chicago, London, The University of Chicago Press, p. 167-186.

Morrissette, J., Demazière, D. & Pepin M. (2014). Introduction. Vigilance ethnographique et réflexion méthodologique. Recherches qualitatives, 33(1), p. 10-11.

Olivier de Sardan, J.-P. (1995). La politique du terrain, sur la production des données en anthropologie. Enquête, 1, p. 71-109.

Weber, F. (2012). De l’ethnologie de la France à l’ethnographie réflexive. Genèses, 4(89), p. 44-60.

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.03, de 9h30 à 12h30

Co-organisatrices

Laurine Chapon (CREDA, Université Sorbonne Nouvelle) & Cinzia Losavio (Lab’Urba, Université Gustave Eiffel, ICM, Géographie-cités)

Discutante

Chloé Reiser (ENS Lyon, EVS)

L’espace domestique est un objet privilégié de l’ethnographie, qu’il soit analysé comme reflet plus large du fonctionnement d’une société, de ses structures sociales et matérielles (Molotch, 1972) ou que l’attention soit portée à ses formes et fonctions. D’une approche par l’habitat et depuis la maison (Deffontaines, 1972 ; Bonnin, 2000), les travaux en sciences sociales se sont ensuite concentrés sur les formes de l’habiter, compris au sens plus large comme un processus de construction des individus et des sociétés par l’espace, en s’intéressant à la dimension phénoménologique de ces expériences. Ils se sont aussi centrés sur les formes de la production urbaine, les politiques publiques ou les mécanismes de marché dans des contextes pluriels (Wu, 2002 ; Zanin Shimbo, 2014). Des approches plus holistiques s’efforcent aussi d’explorer la « qualité du logement » en prenant en compte ses dimensions aussi bien « quantifiables » que « qualitatives » (les stratégies résidentielles, l’accessibilité et l’abordabilité du logement, ainsi que les liens familiaux et les relations de voisinage) afin de mieux saisir la complexité du rapport à l’habitat (Lawrence, 2012 ; Zlatar Gamberožić, 2015). L’objectif de cet atelier est de réunir des contributions originales de recherches en cours qui croisent ces échelles et approches.

Un premier axe portera sur l’analyse des relations entre politiques publiques, fabrique de la ville et appropriation des espaces domestiques ; les choix en matière d’urbanisme recomposent les modes d’habiter et témoignent de formes originales d’appropriation par les habitant.es de normes et d’espaces conçus et produits par d’autres. Ethnographier l’ordinaire de l’habiter au prisme des relations entre décideurs, aménageurs et habitant·es permet aussi de dévoiler l’emboîtement de différentes échelles d’exercice du pouvoir.

Un deuxième axe portera ainsi sur les matérialités et agencements des logements. Ils ne sont en effet pas que de simples « réceptacles passifs » (Lefebvre, 1974, p. 108) des activités humaines. Leurs usages, de la maintenance à l’occupation des pièces ou aux choix architecturaux et de décoration, sont révélateurs des structures socio-spatiales et d’un rapport à l’habitat et à la ville sensible, mais aussi politique. Des relations de domination imbriquées, de genre, de classe ou de race sont en effet rejouées au sein même de la sphère domestique, mais aussi à travers celle-ci.

Enfin, un troisième axe pourra aborder les méthodologies employées pour enquêter sur ces espaces domestiques. Un éventail varié et riche d’approches, souvent sensibles, permettent de saisir dans toute sa complexité un objet par nature intime. Qu’il s’agisse de cartes sonores et sensorielles, de dessins, de photographies participatives, de biographies de logements ou encore de relevés, ces démarches, impliquant une immersion dans le quotidien des habitants, interrogent la « fabrique des écritures » ethnographiques. Des contributions venant de toutes les sciences sociales et ayant recours à diverses perspectives, théorique et méthodologique, sont attendues. Une préférence sera accordée aux travaux se concentrant sur l’espace domestique. Les analyses portant sur une diversité de contextes et de pratiques d’habitat sont encouragées afin de favoriser une mise en dialogue entre des situations variées. Il s’agit d’accorder une valeur épistémologique aux espaces de l’habiter observée depuis l’échelle micro-locale, faisant du logement une des clés de compréhension des dynamiques sociales contemporaines et de l’exercice du pouvoir.

Intervenantes

Hassina Khusrawy (Passages, Université de Bordeaux Montaigne et ENSAP Bordeaux, ICM) : Révéler l’habiter : une approche ethnographique des espaces domestiques des exilés afghans

Mathilde Weibel (Iris, EHESS) : Ethnographier l’habiter d’une maison pachtoune en l’éprouvant : Exclusions et assignations de genre

Lola Vives (Centre Max Weber / Laboratoire Junior Luttes
urbaines : droit à la ville, droit au logement/ Université Jean Monnet de Saint-Étienne) & Tanaïs Rolland (Laboratoire Junior Luttes urbaines : droit à la ville, droit au logement) : La constitution de l’espace domestique au sein d’un programme d’accès au logement pour des personnes sans abri

Bibliographie

Bonnin, P. (2000). Dispositifs et rituels du seuil. Communications, 70(1), p. 65‐92.

Deffontaines, P. (1972). L’homme et sa maison. Paris, Gallimard.

Lawrence, R. J. (1995). Housing Quality: An Agenda for Research. Urban Studies, 32(10), p. 1655‐64.

Lawrence, R. J. (2011). Health and Housing. International Encyclopedia of Housing and Home. In Smith, S. J., International Encyclopedia of Housing and Home. Elsevier.

Lefebvre, H. (1974). La Production de l’espace. Paris, Éditions Anthropos.

Molotch, H. (1972). Managed Integration: Dilemmas of Doing Good in the City, Berkeley, University of California Press.

Zlatar Gamberožić, J. (2015). The Quality of Housing at the Subjective
Level: Aesthetic and Ecological Aspects of the Neighborhood and Citizen Participation. In A. Svirčić Gotovac, J. i Zlatar, Kvaliteta života u novostambenim naseljima i lokacijama u zagrebačkoj mreži naselja. Institut za društvena istraživanja u Zagrebu, Posebna izdanja, p. 75‐114.

Wu, W. (2002). Migrant Housing in Urban China, Choices and Constraints. Urban Affairs Review, Sage Publications, 38(1), p.90‐119.

Zanin Shimbo, L. (2014). La construction du logement social : une politique publique liée au marché immobilier. Brésil(s), 6, p. 99-117.

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.02, de 9h30 à 12h30

Co-organisatrices

Dequesne Angèle (CEMS EHESS) & Veillard Nolwenn (Arènes, Université de Rennes)

Discutante

Chloé Mondémé (CNRS, Triangle)

Bien que les fondateurs de la sociologie se soient intéressés aux animaux (Guillo, 2015), et aux sociétés animales (Espinas, 1877), la discipline les a progressivement oubliés. En revanche, les ethnologues, comme Evans-Pritchard ou Haudricourt, ont décrit les relations tissées entre animaux et humains afin de mieux comprendre les cultures humaines observées (Rémy, 2016). Néanmoins, l’ethnographie a longtemps adopté une posture anthropocentriste, les animaux étant réduits au statut d’objets (Manceron, 2016). À partir des années 1990, les Animal studies ont ouvert de nouvelles approches. En considérant les animaux comme doués d’agentivité, des déplacements méthodologiques et épistémologiques ont alors été amorcés : vers une collaboration entre sociologie, éthologie et biologie néo-darwinienne (Claidière & Guillo, 2016 ; Régnier & Roche, 2020), ou puisant dans la phénoménologie pour une prise en compte du point de vue animal dans et hors de ses interactions avec les humains (Piette, 2002 ; Vicart, 2008), ou encore en liant ethnométhodologie et pragmatisme (Mondémé, 2023).

Se développent alors des ethnographies de communautés multispécifiques soucieuses de décrire précisément ces échanges hybrides (Kirksey & Helmreich, 2010). Toutefois, l’ethnographie des rapports entre humains et animaux ne se restreint pas à l’observation multiespèce ni à des relations uniquement harmonieuses. Ainsi sont entre autres explorées la chasse (Ingold, 2000 ; Stépanoff, 2021), la mise à mort et l’expérimentation (Rémy, 2009 ; 2018), la dératisation (Bondaz, 2020) et la consommation (Verdier, 1969 ; Ferret, 2010). La médiation animale (Servais, 1999 ; Michalon, 2011), le secours aux animaux (Michalon, 2013 ; Rimlinger, 2022) et le militantisme pour la cause animale (Dubreuil, 2013 ; Manceron, 2012) sont également richement ethnographiés. Ces terrains hétéroclites donnent néanmoins tous à voir des rapports relevant d’une grande complexité et diverses façons d’envisager les relations anthropozoologiques. Cet atelier vise à présenter des ethnographies en cours, qui permettent de réfléchir aux questions pratiques, méthodologiques et éthiques qu’engendrent ces multiples ethnographies et rapports. Comment, par exemple, ethnographier plusieurs espèces à la fois ? On a beaucoup parlé d’enquête symétrique, mais quelles sont les limites éprouvées par l’ethnographe dans ses tentatives de ressaisir le point de vue des animaux ?

Comment ethnographier des rapports entre humains et animaux quand les animaux sont absents de la situation (militantisme antispéciste, deuil d’un animal aimé, mythes et imaginaires fondés sur les animaux …) ?Quels défis se présentent à l’éthique de la recherche lorsque l’on enquête sur ces relations ?

Intervenantes

Aurélie Darbouret (Centre Norbert Elias, MIO, EHESS) : Interactions entre humains et mondes vivants marins : une ethnographie sonore et amphibie dans le Golfe de Marseille

Julie Rodrigues Leite (IRIS et CEMS, EHESS) : Bricoler avec les animaux: à la recherche d’outils pour l’ethnographie “multi-espèces”

Anne Kawala (LAP, EHESS) : « Je peux toucher le pis »

Bibliographie

Dubreuil, C.-M. (2013). Libération animale et végétarisation du monde. Ethnologie de l’antispécisme français. Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Ingold, T. (2000). The Perception of the Environment: Essays on Livelihood, Dwelling and Skill. Londres, Routledge.

Kirksey, E., & Helmreich, S. (2010). The Emergence of Multispecies Ethnography. Cultural Anthropology, 25(4), p. 545-576.

Michalon, J. (2011). L’animal thérapeute : socio-anthropologie de l’émergence de l’animal dans les pratiques de soin. Thèse de doctorat en sociologie, soutenue en septembre, non publiée, Université Jean Monnet, Saint-Etienne.

Mondemie, C. (2023). Pragmatisme et cognition animale. Pragmata, 6, p. 700-743.

Régnier, P., & Roche, H. (2020). Une sociologie des chevaux est-elle possible ? Observations conjointes d’un sociologue et d’une éthologue. In E. Baratay, Croiser les sciences pour lire les animaux. Paris, Éditions de la Sorbonne, p. 103-114.

Rémy, C. (2016). Agir avec l’animal. Pour une approche ethnographique des relations hybrides. L’Année sociologique, 2(66), p. 299-318.

Vendredi 25 octobre – centre de colloques, salle 3.01, de 9h30 à 12h30

Co-organisatrices

Ariane Dumond (CENA, EHESS) & Camille Guibert (IMAF, EPHE)

Discutant

Arnaud Halloy (Université Côte d’Azur, LAPCOS)

Cet atelier propose d’interroger les méthodes utilisées sur le terrain par les ethnologues pour décrire les corps agis, vécus et exprimés. Malgré un intérêt sensible dès les textes fondateurs de la discipline (Mauss, 1934) pour notre condition corporelle, et l’avènement récent d’une « ethnographie du sensible » (Colon, 2014 ; Calapi et al., 2023), l’ethnographe se trouve souvent dans la difficulté de retranscrire toutes les dimensions du corps. Que ce soit par une mise en mots précise, par des images où la présence « filmante » devient support du vécu (Candelise & Remillet, 2020), ou par d’autres formes d’écritures alternatives (Le Menestrel, 2023 ; Schetrit, 2023), ces états de corps expérimentés et perçus de manière singulière par le chercheur sur son terrain se doivent d’être retranscrits. Le défi reste encore de trouver non pas une graphie commune comme modèle à appliquer sur tous les terrains de recherche – à l’instar des schémas de parenté en anthropologie structuraliste –, mais une méthode qui permette au chercheur de créer son propre lexique corporel.

Comment élaborer une graphie de la danse, de la transe, de la méditation ou encore de la relation thérapeutique qui rende compte du corps sensible, éprouvé et éprouvant sans se cantonner à un système de notation du mouvement (Laban, 1928 ; Benesh, 1969) ? Comment ethnographier un « tour de main », une « présence charismatique », une forme de toucher et les retranscrire en signes éclairants ? Il s’agira dans cet atelier de s’interroger sur comment l’ethnographe, à travers son vécu corporel, entre en résonance avec l’expérience éprouvée par les enquêtés. Comment cette médiation sensorielle (Howes, 2019) permet-elle au chercheur de décrire les perceptions des protagonistes et de donner sens à leurs mouvements ? Quelles sont les limites épistémologiques des expériences corporelles vécues par l’ethnographe sur son terrain ? Comment distinguer un ressenti utile pour l’analyse ou la compréhension du phénomène d’un ressenti personnel ? Quel langage, non enclos sur lui-même et s’inscrivant dans un univers de sens encore en construction, utiliser pour raconter un phénomène sensible ? Quel rapport cette écriture graphique de l’expérience corporelle entretient-elle avec d’autres moyens de description, notamment visuels ou sonores ? Cet atelier cherchera à poser ces questions à la fois méthodologiques, épistémologiques et linguistiques en partant d’une réflexion sur des pratiques ethnographiques à partir des cas d’enquête proposés par les intervenants. Il sera l’occasion d’évoquer ce qui fait obstacle au discours, sur et avec le corps, dans les recherches en train de se faire.

Intervenant·e·s

Simon Lancelevé (laboratoire Sport et Sciences sociales, Université de Strasbourg, associé au laboratoire Pacte, Université Grenoble-Alpes) : Tenir la distance: comment ethnographier le peloton d’une course d’ultra endurance radicale ?

Marion Doé (IRIS, EHESS) : L’observation à l’aveugle : ce que la
cécité donne à voir du terrain

Joséphine Ernotte (Laboratoire Textes et Cultures, Université d’Artois) : Une analyse microgéographique du vécu émotionnel des patient·es pris·es en charge pour des troubles du comportement alimentaire

Bibliographie

Benesh, J., & Benesh, R. (1969). An Introduction to Benesh Movement Notation: Dance. Londres, Dance Horizons.

Colon, P.-L. (2014). Ethnographier les sens, Paris, Pétra.

Candelise, L., & Remillet, G. (2020). « Pour une observation filmique des
pratiques cliniques de l’acupuncture », Anthropologie & Santé [En ligne], 21.

Calapi, S., Korzybska, H., Mazzella, M., & Peraldi-Mittelette, P. (2003). Sensibles ethnographies. Décalages sensoriels et attentionnels dans la recherche anthropologique. Paris, Pétra.

Howes, D. (2019). Multisensory Anthropology. Annual Review of Anthropology [En ligne], 48(1), p. 17-28.

Laban, R. (1928). Schrifttanz: Methodik, Orthographie, Erläuterungen. Vienne, Universal Edition.

Le Menestrel, S. (2023). Série documentaire sonore « Éprouver le silence », laboratoire mondes américains. http://mondes-americains.ehess.fr/docannexe/image/3457/Eprouver-le-silence-Epi-
sode2.jpg

Mauss, M. (1936). Les techniques du corps. Journal de Psychologie, XXXII, 3-4 (communication présentée à la Société de Psychologie le 17 mai 1934).

Schetrit, O., & Benvenuto, A. (2023). International Visual Theatre (IVT):
Amongst Deaf Identity Repair Processes and Emancipatory Impulse. Diffractions, 7, p. 131-151.

Jeudi 24 octobre – centre de colloques, salle 3.03, de 14h à 17h

Co-organisateurs

Christophe Brion (CeRCLEs, EHESS) & Abdelmounaim Fanidi (CeRCLes, EHESS)

Discutant

Alain Mahé (EHESS, CEMS)

Traditionnellement, l’histoire est associée à l’étude du « passé social » alors que l’anthropologie aurait comme objet l’élucidation du « présent social » (Schapera, 1962). Les situations de conflits ont été l’occasion de remettre en question cette division scientifique du travail, en remobilisant le travail d’archive et l’ethnographie en dehors de leur champ disciplinaire d’origine. En effet, si l’accessibilité au terrain par le chercheur est souvent considérée comme la condition de possibilité de l’enquête ethnographique, des situations de conflits comme la guerre russo-ukrainienne ou encore le conflit israélo-palestinien sont moins favorables à l’observation directe et à l’immersion de l’ethnographe. Ce dernier est alors amené à naviguer dans les archives afin de préparer son terrain en amont ou, à l’inverse, de compléter ses observations à son terme. Néanmoins, cette conception réduit le travail d’archive à un palliatif en cas d’inaccessibilité du terrain. A contrario, l’usage complémentaire du travail d’archive et de l’ethnographie permettrait d’éclairer réciproquement les angles morts de chacune de ces démarches empiriques.

L’usage de l’archive implique une dépendance à des documents caractérisés par différents genres épistémiques, des formes de narrations, des pratiques de production et des stratégies de leurs auteurs (Stoler, 2010). D’autre part, pratiquer l’ethnographie nécessite un engagement à la fois physique et moral de la part d’un chercheur, participant à un système de places qui l’empêche d’avoir une position de surplomb sur l’univers social qu’il enquête (Favret-Saada, 1977).
C’est ainsi que la mise en dialogue de ces deux méthodes contribuerait à la multiplication des focales, des points de vue et des échelles d’analyse qui permet de mettre en exergue un ensemble de processus invisibles ou inexplorés tout en diversifiant les méthodes d’enquête destinées à les élucider (Ermakoff, 2012). Sans se contenter de cela, il s’agit de penser la plus-value de leur articulation en termes de production des données, de mise en intrigue et de profondeur historique.

De surcroît, les situations de conflit sont, en raison de leur incertitude et
leur instabilité, des terrains privilégiés de dialogue entre le travail d’archive et l’ethnographie. Cependant, il s’agit de s’interroger sur les conceptions du conflit qui le réduisent exclusivement à des clivages réifiés en confrontations violentes. Nous invitons également à penser les multiples temporalités des conflictualités en s’intéressant aux diverses modalités de mise en récit et d’interprétations dont fait l’objet les conflits à la fois avant, au cours et suite à son terme. En outre, les situations de post-conflits permettent d’examiner les tenants et les aboutissants des reconfigurations constantes que les conflits entraînent dans la société en termes de déplacements des personnes, de reconstructions d’infrastructures et de politiques de réconciliations nationales ou intercommunautaires. C’est dans le cadre de cette définition large du conflit que cet atelier propose d’accueillir de jeunes chercheurs dont les travaux de recherche sont au croisement entre histoire et ethnographie en situation de conflit ou de post-conflit. L’objectif principal étant de questionner ce que cette mise en dialogue soulève comme défis méthodologiques dans le cadre de la confrontation de données aux statuts divers et hétérogènes, mais également dans leurs modalités de restitution conjointe. Ce souci de méthode vise, d’autre part, par l’articulation des données dans la recherche et l’écriture à contribuer aux réélaborations actuelles autour de la notion de conflit (Deluermoz & Foa, 2022). Les communications dans cet atelier peuvent, entre autres, à partir de matériaux issus des archives ou d’observations ethnographiques relier conjointement la description des conflictualités et/ou leurs enjeux mémoriaux (Sheele, 2009). Une autre possibilité serait de penser la « mise en tension » produite autour d’un conflit par l’utilisation croisée des archives et de l’ethnographie ainsi que leur intégration dans une description rénovée et élargie.

Intervenant·e·s

Julien Gaillard (GRIPIC, Celsa, Sorbonne Université) : Ethnographier la patrimonialisation de la lutte de Notre-Dame-des-Landes

Benedicte Rivet (Centre Max Weber, Université de Lyon) : Tisser les fils des données historiques, militantes et ethnographiques : une enquête en « UNMIKistan »

Somayeh Rostampour (GTM_Cresppa, Paris 8) : Révéler les Silences : Enquêtes Anthropologiques et Historiques dans les Zones Sensibles du Conflit

Bibliographie

Deluermoz, Q., & Foa, J. (2022). Les épreuves de la guerre civile. Paris, France, Éditions de la Sorbonne.

Ermakoff, I. (2012). Police et arrestations. Le Genre humain, 52(1), p. 213‐243.

Favret-Saada, J. (1977). Les mots, la mort, les sorts. Paris, France, Gallimard.

Schapera, I. (1962). Should Anthropologists Be Historians ? The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 92(2), p. 143‐156.

Scheele, J. (2009). Village Matters: Knowledge, Politics & Community in Kabylia. Algeria, Woodbridge, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Etats-Unis d’Amérique.

Stoler, A. L. (2010). Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense. Princeton, Princeton University Press.